Billet Iphae

Des couleurs et du sens pour commencer l’année

Dans un monde inquiétant, instable, tendu, permettez-moi d’ouvrir l’année 2019 avec une expérience jubilatoire.

Le témoignage bouleversant des daltoniens qui pour la première fois découvrent les couleurs grâce à des lunettes révolutionnaires, mérite le détour. Filmés par leurs proches, on peut consulter les vidéos sur Internet (par exemple ici, ou encore ici ou ). Dès qu’ils enfilent leurs lunettes, ils sont frappés par ce qu’ils découvrent : les couleurs aperçues ne sont pas seulement différentes, mais incroyablement belles ! L’émotion les submerge, les daltoniens pleurent, sont obligés de s’asseoir, abasourdis par l’intensité de cette sensation nouvelle.

Entre cette expérience fulgurante et le sens de la vie, il me semble qu’il existe une relation profonde. Je remarque que la vue, le toucher, l’ouïe… sont des sens. Qu’on utilise ce même mot pour parler du sens de la vie ou du sens du travail. Quand on prend conscience du sens de sa vie ou de son travail, on ressemble au daltonien qui prend conscience des couleurs qui lui manquaient : ça change tout. Il ne s’en doutait pas. Il est stupéfait que la vie soit si belle ! Si les couleurs embellissent la vue, percevoir le sens de ce que l’on fait embellit notre vie.

De même que le monde est coloré, il recèle un sens qui demande à être découvert, comme l’incroyable organisation de la vie dans les coraux sous-marins, dans le monde sauvage ou dans la nature. Le sens de la vie précède les productions humaines qui ne pourraient pas exister sans lui.

Ma première remarque concerne notre manque d’enthousiasme. L’émotion des daltoniens découvrant la plénitude du sens de la vue est à la mesure de notre indifférence devant les couleurs et l’infini de leurs nuances : nous nous y sommes tellement habitués que nous ne les remarquons même pas. Nous gagnerions à les redécouvrir. Réaliser ce que nous voyons avec nos yeux peut aussi changer notre regard intérieur. Éloge du regard neuf, extérieur et intérieur.

Ma deuxième remarque est que la découverte du sens rend humble : le sens nous précède dans le monde, il nous est donné avant toute intervention de notre part. Les couleurs apparaissent d’elles-mêmes à notre vue, moyennant l’aide d’une prothèse pour les daltoniens. De même, la nature et ses êtres vivants nous apparaissent dans toute leur beauté si l’on y prête attention, et c’est une source d’émerveillement. Le sens n’est ni arbitraire, ni totalement construit. Il a sa part originaire dans la réalité, dévoilée par notre expérience sensorielle. Éloge du réel.

Ma dernière remarque est que le sens produit de l’émotion. De même que les couleurs enchantent la personne qui les découvre, la vision du sens nous enchante dès qu’on y accède. Personne n’a fini d’explorer le sens du monde : il y a là un capital de joie inextinguible. Éloge de la curiosité.

Curiosité, réalisme et regard neuf. Prendre conscience du sens, et tout particulièrement du sens de son travail, possède une vertu propre : renouveler notre énergie. Comprendre qu’un projet ne part pas de la lubie d’un responsable, mais d’une réalité objective comme un besoin humain incontestable (réalisme), avoir la possibilité de changer son regard sur son travail (regard neuf), espérer apprendre (curiosité), tout cela alimente une dynamique forte et colore affectivement les projets les plus techniques. C’est ainsi que la question du sens devient incontournable pour tout responsable qui veut donner, non seulement une direction légitime, mais aussi une puissante dynamique à son travail et à ses équipes.

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