Billet Iphae

Du collectif à la coopération

Avez-vous déjà entendu parler de l’expérience de Galton ? En 1926, le statisticien anglais Francis Galton assiste à une foire agricole à Plymouth. Il observe avec intérêt un concours où il s’agit de deviner au jugé le poids d’un bœuf. Alors même que les 800 estimations individuelles du public sont très disparates, la moyenne, constate Galton, arrive à 1 gramme près au poids exact de l’animal ! Magie de l’intelligence collective ?  Triomphe de la démocratie ? Démenti pour ceux qui associent le collectif à la médiocrité, selon le mot de Pierre Desproges :  » «Quand des hommes se regroupent en foule, leur intelligence ne s’additionne pas, elle se divise  » ?

D’abord, est-on bien sûr de l’expérience ? On a recommencé avec un pot contenant 810 fèves : on demande à 46 personnes d’estimer le nombre de fèves. On arrive à une moyenne de 846. Or seulement 2 personnes sur les 46 ont fait mieux. Nouvelle expérience avec 850 fèves et 56 personnes : la moyenne est de 871. Une seule personne sur les 56 a fait mieux. Pourtant, comme le note avec bon sens Gérard Bronner, s’il est bien vrai que dix hommes peuvent lever une masse dix fois plus importante qu’un seul, il serait risible de considérer que dix courent dix fois plus vite qu’un seul.

Comment se manifestent les avantages du collectif ?

Connaître : Dans l’émission « Qui veut gagner des millions ? » aux États-Unis, les statistiques montrent que le recours à l’avis du public apporte en moyenne 91 % de réponses exactes, alors que l’ « appel à un ami », expert de la question, n’en apporte que 65 %. CQFD. Hormis les problèmes de très grande expertise, ou encore des sujets sur lesquels les participants sont totalement ignorants. Alors oui, dans ces derniers cas effectivement, un seul mieux informé a facilement raison contre tous.

Créer : c’est le but du brain storming, dont chacun sait qu’il est plus productif que la créativité individuelle, notamment dans la résolution de problème. Cela dit, les œuvres majeures de création de l’humanité sont rarement élaborées par un collectif, mais plutôt par des individus.

Décider : une décision démocratique est mieux accueillie que la décision unilatérale d’un seul. Mais qu’en est-il de sa pertinence, de sa rapidité, de sa capacité à affronter le long terme ? Sans responsable, la décision collective prend le risque du laisser aller où chacun comptant sur l’autre, la décision perd de son efficacité.

Coopérer : mettre en œuvre des solutions collectives dans la coopération suppose la participation de chacun en même temps que le regard orienté vers un objectif partagé. C’est satisfaisant pour les individus et efficace en raison d’une proximité des acteurs avec le terrain. Ce n’est pourtant pas un laisser faire qui s’oppose à une attitude hiérarchique abrupte, mais un entre deux subtil fait d’unité et de liberté.

Dans son livre ‘The Wisdom of Crowds’ (la sagesse des foules), James Surowiecki observe trois conditions pour bénéficier de l’intelligence collective :

– l’excellence du groupe doit pouvoir s’exprimer par une moyenne, et donc un chiffre

– chacun peut s’exprimer sans influence extérieure

– plus la diversité des participants est grande, plus l’estimation sera juste.

Ces conditions sont intéressantes pour comprendre le fonctionnement de la coopération, mais il faut en ajouter une autre, qui répond à des questions essentielles : qui encourage l’autonomie des participants et leur permet de s’exprimer librement ? Qui défend la concorde dans un groupe aux membres divers pour éviter tout particulièrement qu’un conflit dégénère ? Un leader ou un groupe leader. Cette condition montre que si la coopération peut s’appuyer sur des avantages spontanés du collectif, elle a rapidement besoin d’être accompagnée et défendue par un leadership efficace.

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