Le discrédit du management est une réalité
Les managers n’ont pas forcément conscience que leurs pratiques ont bien mauvaise presse dans les médias, dans le monde de l’éducation ou de la culture. Dans un tout récent article de Libération, le romancier Nicolas Mathieu, – qui affirme avoir connu de près les cabinets de conseil- développe un discours typique sur le sujet. Il reproche au management d’envahir par ses concepts et ses méthodes toutes les sphères de la société y compris la politique. Il considère que cette « idéologie managériale» gouverne non seulement les entreprises et les hôpitaux, mais qu’elle a aussi franchi les portes de l’Élysée et qu’elle s’insinue même dans les familles : combien de parents présentent le bac à leurs enfants comme un challenge ! Je le cite : « On avait connu la république des professeurs, celle des avocats. Avec En Marche, c’est l’avènement de la république des managers. La mainmise de l’idéologie entrepreneuriale n’a jamais été si prégnante. »
Les reproches contre le management
On pourrait regrouper les reproches des pourfendeurs du management autour de trois axes :
- d’abord, le management est rebelle à la culture générale. D’un pragmatisme aveugle et stupide, il est « l’une des formes les plus délectables de la bêtise contemporaine »
- ensuite, le manager est manipulateur. Sa bienveillance affichée est un mensonge, il traite sans scrupule les personnes comme des moyens
- enfin, le seul objectif du management est de servir le profit
Reprenons :
Stupide, le manager ?
« La véritable école du commandement est la culture générale ». Malgré son parfum un peu désuet, cette citation du général de Gaulle reste parfaitement juste. À l’inverse des managers frustres qui restent dans la logique rudimentaire d’un pragmatisme sans vision, les vrais managers savent qu’il n’y a rien de plus intelligent qu’une équipe dont tous les acteurs coopèrent volontiers pour un résultat optimal. Cette alchimie suppose hauteur de vue et sens pratique, éthique et efficacité, sans quoi l’on vire dans l’injustice ou le manque de résultats.
Manipulateur, le manager ?
La manipulation est une expérience cruelle. Des équipes donnent le meilleur d’elles mêmes et découvrent qu’en réalité on leur a caché quelque chose d’important. Ce n’est pas le management mais la perversité de certains managers et de certaines cultures d’entreprises qui en est la cause. Les vrais managers ne sont-ils pas ceux qui au contraire, savent instaurer une relation de confiance sur le long terme ? Non seulement c’est possible mais l’expérience montre que c’est toujours la meilleure attitude sur le long terme.
Cupide, le manager ?
Le manager se trouve souvent pressurisé par une culture du rendement qui obéit à la seule loi du profit, au détriment de l’humain. Remis à sa juste place, le profit d’une entreprise devient nécessaire et légitime. Il est le plus souvent rendu possible par la performance qui est une exigence de qualité universellement appréciée : le consommateur la requiert pour le produit qu’il achète, mais aussi l’usager de n’importe quelle administration. Si les pratiques managériales s’étendent au-delà de la sphère de l’entreprise, c’est au nom de cette performance. Chacun sait qu’il existe maints secteurs associatifs ou publics qui pèchent par manque de professionnalisme : gaspillage, service défaillant, démarches complexes, délais inadmissibles… La performance est vertueuse tant qu’elle combat le laisser-aller et l’à peu près au détriment du client ou du citoyen. Elle devient odieuse dès qu’elle oublie l’humain.
Le vrai management
Il est donc hasardeux et même dangereux d’identifier toute pratique managériale à une seule idéologie perverse. Le management est une pratique d’excellence qui comporte ses risques et ses excès. Le vrai manager est capable de conduire efficacement et humainement une activité professionnelle vers des résultats de qualité. Un art nécessaire dans notre monde économique qui mérite certainement d’être étendu à d’autres secteurs, ce qui ne va pas sans un immense travail de sensibilisation.
Comments are closed.